J'ai proposé à Timothèe Parrique, chercheur en économie écologique à HEC Lausanne, d'échanger sur ses thèses concernant la décroissance dans le cadre de la série de vidéos
DialectiX du laboratoire EconomiX (
lien vers la viédo).
T. Parrique ouvre le débat en remettant en cause la sacralisation du PIB comme indicateur central de prospérité. Pour lui, cette obsession masque les réalités sociales et écologiques et entretient un système insoutenable. Il dénonce également le mythe de la « croissance verte », selon lequel il serait possible de produire toujours plus tout en réduisant l’impact environnemental. À ses yeux, cette promesse de découplage est une illusion dangereuse qui retarde les transformations nécessaires. Face à ce constat, j'apporte une nuance essentielle. Je reconnais la pertinence du diagnostic écologique, mais rappelle que sortir d’un modèle fondé sur la croissance pose d’énormes défis pratiques. Comment assurer la transition sans mettre en péril l’emploi, la stabilité économique et la cohésion sociale ? Je questionne la faisabilité politique et institutionnelle d’un programme de décroissance, soulignant la nécessité de penser les instruments concrets de redistribution et de maintien des services publics.
T. Parrique, poursuit en insistant sur le fait que la décroissance n’est pas une récession subie, mais une réduction planifiée et démocratique de la production et de la consommation. Elle vise à recentrer l’économie sur les besoins essentiels et le bien-être collectif, en s’éloignant de l’accumulation matérielle. Il présente cette démarche comme une utopie constructive : il ne s’agit pas d’un retour en arrière, mais d’une réinvention profonde des institutions, des modes de vie et des finalités de nos sociétés. Tout en saluant cette ambition, je m'interroge sur les leviers concrets permettant de mettre en œuvre une telle transformation. Je m’inquiète en particulier des ruptures sociales que pourrait entraîner une transition trop brutale et plaide pour une approche progressive, tenant compte des inerties structurelles et des interdépendances économiques. Là où T. Parrique défend la sobriété et l’usage des technologies « low-tech » adaptées aux limites planétaires, je mets en avant le rôle possible de l’innovation et de la recherche, à condition qu’elles soient guidées par des objectifs de soutenabilité plutôt que par la seule logique du profit.
Au fil de l’échange, se dessine ainsi une confrontation féconde. Loin de s’opposer stérilement, nos approches se complètent et ouvrent la voie à une réflexion plus équilibrée qui interroge à la fois nos représentations de la prospérité et les conditions concrètes de la transition.